Savoir universel en réseau

Démocratisation de la santé globale

Début mai 2011, à l’initiative de medico international, se sont retrouvés à New Dehli l’organisation indienne de la santé Prayas, la Community Health Cell (Bangalore - le People’s Health Movement et la Public Health Foundation India), des représentants d’organisations et d’institutions luttant pour la santé et la justice sociale. L’objectif de cette rencontre a été d’élaborer une vision commune de la mise en œuvre du droit de l’homme à la santé et de l’intégrer aux débats en cours notamment au sujet du rôle et du travail de l’Organisation mondiale de la santé OMS. C’est ici qu’est née la déclaration de Dehli qui a fait grand bruit quelques semaines plus tard, lors de l’assemblée de l’OMS.

Voici des extraits. Le texte intégral se trouve sous www.medico.de et sur le site Web de l’initiative www.democratisingglobalhealth.org

La santé est une condition préalable essentielle à l’épanouissement de tout un chacun et au développement de la société dans son ensemble. Le droit à la santé est ainsi ancré dans la Constitution de l’Organisation mondiale de la santé, dans le pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels et dans les Constitutions de plus de 130 pays. (…)

La santé globale et la lutte contre la pauvreté constituent aujourd’hui des thèmes importants de l’agenda politique international. Les gouvernements ont déclaré la guerre à la pauvreté en mettant en œuvre différents programmes. Malgré cela, l’écart se creuse entre les pays et à l’intérieur des pays eux-mêmes quand il s’agit de l’accès à la santé. La pauvreté chronique et les inégalités croissantes persistent en dépit de tous les programmes et toutes les politiques. Elles sont la preuve que la mondialisation économique et la libéralisation des marchés ne constituent pas les piliers d’un développement durable et équitable de la société. (…)

La santé est un bien commun qui exige une responsabilité collective. Mais la réalité est tout autre. La dynamique du marché actuelle et l’influence incontrôlable des multinationales orientées vers le profit, soutenue par la politique des institutions financières et commerciales internationales comme le Fond monétaire international, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce, entraînent des violations structurelles du droit à la santé. À cela s’ajoutent des violations systématiques supplémentaires d’autres droits : le droit à l’égalité des sexes, le droit à l’eau et à la nourriture, le droit au travail et au revenu, au logement et à l’éducation. C’est pourquoi l’engagement en vue du droit à la santé est indissociable du développement de systèmes de sécurité sociaux universels. Car ces derniers sont les éléments clé dans une politique du développement humain.

L’OMS, en tant qu’organisation de la santé des Nations Unies, est l’"instance d’organisation et de coordination la plus importante" pour faire prévaloir le droit à la santé ainsi que des soins accessibles à tous en cas de maladie. Ce rôle est ancré dans la Constitution de l’OMS et a force obligatoire en droit international. Aujourd’hui, tous les efforts possibles doivent être déployés pour l’exercer. Au cours des dernières décennies, nombreux sont les nouveaux acteurs à être intervenus dans ce cadre. Ils ont certes fait de la santé une préoccupation centrale et participent à la détermination de l’agenda global. En même temps, ils ont toutefois considérablement fragmenté les structures de santé globales. L’importance croissante des acteurs privés n’est pas sans conséquences pour la culture institutionnelle. Les principes du marché sont efficaces dans des domaines où, traditionnellement, ils ne jouent en fait aucun rôle.

L’urgence croissante d’une nouvelle organisation de la santé globale et avec elle, la réforme de l’OMS, ont joué un rôle central lors du débat de l’Executive Board de l’OMS en janvier 2011. Nous nous en félicitons. Maintenant, c’est à l’OMS, à travers ses États membres, d’assumer ses responsabilités en vue du dialogue politique amorcé. (…)

Nous sommes convaincus que l’OMS doit redécouvrir l’identité multilatérale sur laquelle elle repose. Elle doit à nouveau se concentrer sur ses forces et profiter du processus de réformes pour se définir en tant que premier acteur par excellence dans le cadre d’une organisation de la santé élargie à l’échelon global et le rester. (…) Organisation de la santé signifie avoir conscience de la nécessité d’une politique publique solide comme réponse aux solutions néolibérales. Concevoir la mondialisation sur la base des valeurs centrales de l’égalité et de la justice sociale, telle est la tâche clé de l’OMS.

Nous, les participants à la déclaration de New Delhi,

  • appelons les États membres à renforcer l’applicabilité du droit à la santé et de tous les autres droits économiques, sociaux et culturels ; (…)
  • sommes convaincus que les gouvernements nationaux sont les premiers responsables de l’application du droit à la santé. Sans la mobilisation de la population, les droits de l’homme ne peuvent pas être mis en œuvre. Le droit à la santé n’est pas une exception ici ; (…)
  • critiquons formellement l’influence croissante et démesurée du secteur privé sur l’OMS et ceci d’autant plus qu’il n’existe pas de mécanisme robuste de contrôle et d’élimination des conflits d’intérêts. L’OMS doit développer un cadre global qui règle la collaboration avec les acteurs commerciaux. Ces mesures impliquent une définition claire des conflits d’intérêt institutionnels ainsi que des critères de participation et des clauses de caducité clairement définis ; (…)
  • attendons de la part des États membres qu’ils utilisent une fiscalisation équitable comme instrument politique pour augmenter les recettes. Le monde est riche et il est temps d’utiliser la prospérité obtenue pour établir un nouveau lien entre la politique sociale et la politique économique et fiscale correspondante ; (…)
  • rappelons que la solidarité internationale est impérative pour de nombreux pays où le potentiel financier pour assurer les ressources personnelles et matérielles en vue de la mise en œuvre du droit à la santé fait défaut. Pour assurer à long terme un tel soutien et pouvoir le financer, il faut que les accords sans engagement existants deviennent des accords obligatoires ; (…)
  • encourageons les États membres à renforcer leurs contributions financières destinées à l’OMS et leur influence sur l’organisation.

Signé par:

Salud y Desarollo, Bolivie ; Wemos – Health for All, Belgique ; Prayas, Inde ; medicus mundi, Suisse ; Geneva Health Forum, Community Working Group on Health, Zimbabwe ; Partners in Health, États-Unis ; Training and Research Support Centre, Zimbabwe ; Section 27, Afrique du Sud ; O´Neill Institute for National and Global Health Law, Etats-Unis ; Southern and Eastern African Trade, Information and Negotiations Institute, Zimbabwe/Ouganda ; World Social Forum, Brasilien; Tax Justice Networ, Kenya ; Community Health Cell, Inde ; Equinet, Afrique australe ; World Council of Churches, Genève ; Action Group for Health, Human Rights and HIV/AIDS, Ouganda ; Diver Women for Diversity, Inde ; medico international, Allemagne, People’s Health Movement.

Publié: 19. mai 2011

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