Quand un personnage comme Donald Trump promet une « paix éternelle » à Gaza et qu'il est soutenu dans cette démarche par Benjamin Netanyahou, un machiavélique recherché pour crimes contre l'humanité, alors on devrait y regarder de plus près. Rapidement, on réalisera alors que, peu importe si les phases deux et trois de ce plan sont négociées et quels qu’en soient les véritables enjeux, celles-ci n'auront que peu ou pas d'impact sur la paix pour la population palestinienne. Bien au contraire, il est probable qu’elle sera violemment pacifiée pour servir les intérêts d'Israël, qu’elle sera continuellement soumise à un protectorat qui, peu importe sa forme, se transformera potentiellement en une solution provisoire permanente, à l'instar du processus de paix d'Oslo, qui a certes apporté beaucoup de choses, mais certainement pas la paix. Seulement, à Gaza, les conditions seront bien pires.
À Gaza, les armes devraient enfin se taire, à quelques exceptions près, comme on peut s'y attendre. On ne saurait trop souligner l'importance de cette mesure vu qu’elle fait littéralement la différence entre la vie et la mort pour 15 à 150 personnes chaque jour, si l'on se base sur la moyenne quotidienne des décès causés par l'armée israélienne tout au long du génocide perpétré contre la population palestinienne à Gaza au cours des dernières semaines. Ces chiffres se rapportent bien entendu uniquement aux victimes directes de la violence militaire et ne tiennent pas compte des victimes indirectes, décédées à la suite de la destruction systématique des moyens de subsistance et du secteur de la santé. Ni des milliers de cadavres qui gisent toujours sous les décombres.
Soulagement et incertitude à Gaza
Bien sûr, à Gaza, la population a poussé un grand soupir de soulagement : au moins pour le moment, ce massacre semble avoir pris fin. Les réactions de nos partenaires sont néanmoins très mitigées. Si certains sont prudemment optimistes, pensent que les marchés seront à nouveau mieux approvisionnés et que les prix baisseront, d'autres sont assaillis par un sentiment sinistre et sombre : maintenant qu'ils n'ont plus à craindre pour leur vie jour après jour, qu'ils n'ont plus à affronter chaque nuit l'incertitude de savoir s'ils vivront pour voir le lever du jour suivant, les habitants réalisent à quel point leur vie a été ruinée. Leur existence même a été détruite, et aucun cessez-le-feu au monde ne pourra y remédier. Aucun accord ne permettra de reconstruire les maisons et de faire refleurir les champs contaminés, recouverts de poussière grise et de débris. Aucune promesse d'une Riviera ne ramènera les morts à la vie. Et pourtant, le plus important pour l'instant semble être que les survivants, malgré tous leurs sentiments contradictoires, malgré tout leur désespoir et leur espoir, aient la volonté de reconstruire leurs maisons.
Là réside précisément le problème, à en juger tant par l'expérience historique que par tout ce que l'on sait des projets de Trump et de Netanyahu. Jamais tous les dommages causés par la guerre n’ont pu être réparés après les destructions antérieures de l'enclave. Les matériaux dits à double usage, c'est-à-dire ceux qui peuvent être utilisés à des fins civiles et militaires, sont soumis depuis environ 20 ans à d’énormes restrictions d'importation. Le gouvernement israélien est allé bien au-delà des listes habituellement basées sur les normes internationales telles que l'Arrangement de Wassenaar. À la suite des attaques dévastatrices contre Gaza en 2014, par exemple, les Nations Unies n'ont même pas pu importer les lamelles de bois servant à réparer les portes des habitations dont la longueur dépassait la norme imposée. Sans surprise, les autorités d'occupation israéliennes considèrent également depuis des années que le ciment et l'acier de construction sont des biens à double usage. Cette stricte réglementation a toujours été justifiée par les « intérêts légitimes d'Israël en matière de sécurité ».
En d'autres termes, le gouvernement israélien est toujours parvenu à compliquer la vie des organisations humanitaires et de la population palestinienne sans pour autant avoir pu empêcher le Hamas de se procurer ailleurs les matériaux nécessaires à la construction de ses tunnels. Contrairement à ce qu'affirme régulièrement le gouvernement israélien, il est peu probable que ces matériaux proviennent de projets de reconstruction menés par des organisations internationales, mais plutôt du marché libre ou du marché noir. Or, tout projet d'aide nécessitant l'importation de matériaux - tels que le ciment, l'acier, le bois massif ou d'autres matériaux similaires -, utilisés aux fins des travaux de construction à Gaza, était soumis à l'autorisation israéliennes. Avant d'accorder une telle autorisation, l'administration d'occupation israélienne CoGAT exigeait, entre autres, les plans de construction, les données sur la quantité de matériaux nécessaires ainsi que les coordonnées GPS du chantier. Sans ces informations, impossible pour les organisations humanitaires d’acheminer des matériaux de construction vers Gaza. Par ailleurs, de nouvelles réglementations israéliennes font craindre que l'accès des ONG internationales soit encore plus restreint, voire totalement interdit, à moins de se plier aux souhaits et désirs du gouvernement israélien.
Le désir légitime de sécurité de la population palestinienne sous occupation et en état de siège permanent n'a joué aucun rôle dans ce contexte. Le droit à l'autodétermination et le besoin de sécurité après des campagnes militaires répétées tiennent également tout au plus un rôle rhétorique dans les scénarios actuels. Or, ces campagnes n'ont jamais visé uniquement les groupes militants de Gaza mais au contraire, ont toujours touché de manière disproportionnée la population civile.
Troupes internationales ?
Or, les États de la région, pourtant censés soutenir le nouvel accord, ont déjà été dupés : le texte final de l'accord publié ne correspond plus à la version convenue entre Trump, l'Égypte, le Qatar et la Turquie. Le gouvernement israélien a été autorisé à y apporter des modifications ultérieures pour accommoder ses propres intérêts. Bien que les dirigeants israéliens ne soient guère enclins à accepter l'idée d'une force internationale à Gaza, ils ne se hasardent pas à s'opposer ouvertement aux États-Unis. L'opposition en Israël, souvent présentée en Occident comme modérée, pousse le gouvernement à agir en déplorant une perte de contrôle à Gaza. En présence d'une force internationale soumise aux caprices et à la merci de Trump, il deviendra plus difficile pour l'armée israélienne de continuer à se comporter comme elle le fait au Liban depuis près d'un an, malgré le cessez-le-feu : Depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, la FINUL a recensé 270 morts et environ 850 blessés, victimes de 950 obus et de 100 frappes aériennes. Ces chiffres se basent sur les données du ministère libanais de la Santé. Israël continue à attaquer les casques bleus de l'ONU, ce qui montre que même la présence de troupes étrangères ne garantit pas la sécurité. Gaza pourrait être confrontée à une situation similaire.
De son côté, le Hamas est tout sauf favorable à l'arrivée d'une autre force. Depuis le début du cessez-le-feu, le groupe est parvenu à reprendre le contrôle. Même s'il a amélioré l'ordre public, son retour s'accompagne de graves violations des droits humains, voire des exécutions extrajudiciaires. Parmi les victimes figurent des personnes accusées d'avoir collaboré avec Israël ou, avec le soutien de l'armée israélienne, d'avoir participé à des pillages pendant le génocide, au cours desquels elles auraient également assassiné des Palestiniens. Par ailleurs, le célèbre Gaza Community Mental Health Programme rapporte que des hommes armés, vraisemblablement des membres du Hamas, ont contraint le personnel et les patients de leur établissement à évacuer les lieux sous la menace d'une arme. Puis ils se sont empressés d'y installer leurs propres familles. Espérons que de tels abus prendront fin, quel que soit le scénario futur.
Il ne reste plus à la population Gaza qu'à espérer ne plus être prise en étau entre les différents acteurs. Leurs droits, notamment celui à l'autodétermination, n'ont jusqu'à présent trouvé aucune mention dans la mise en œuvre concrète des réflexions de Trump sur la « paix éternelle ». Bien au contraire, la crainte subsiste car « on ne peut pas conclure une paix si celle-ci est secrètement assortie d'une réserve qui servira potentiellement de base à une guerre future. Le cas échéant, on aura une simple armistice, un report des hostilités, et nullement une paix, censée mettre fin à toutes les hostilités et à laquelle le qualificatif éternelle sera un pléonasme déjà suspect ». C’est ce qu’écrivait Emmanuel Kant dans son essai « La paix perpétuelle ». Or, jusqu'ici, les plans ne semblent pas aboutir à un arrangement qui mériterait le nom de paix.
Riad Othman travaille depuis 2016 comme chargé du Proche-Orient pour medico international à Berlin. Auparavant, il était directeur du bureau de medico pour Israël et la Palestine.
