Document de référence

Loin des yeux, loin du cœur

Colloque externalisation et régionalisation des politiques de migration et de réfugiés, 23 février 2016, Berlin

Au plus tard, depuis en octobre 2005 des centaines de réfugié(e)s, de migrants et de migrantes avaient tenté de franchir les clôtures entourant les exclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla, l’Union Européenne (UE) et ses Etats membres ont étendu leurs politiques de migration et de réfugiés bien au de-là de leurs frontières. Systématiquement, les pays d’origine et de transit sont pris en charge afin d’empêcher réfugié(e)s et migrant(e)s d’arriver en Europe. 

Dans le but de «sécuriser» les frontières européennes au service de UE contre les réfugié(e)s et les migrant(e)s, il y a constamment des violations des Droits de l’Homme dans les pays d’origine et de transit. Des membres des gardes-frontières emploient une violence massive contre ceux qui cherchent refuge ou qui tentent la migration. En échange de la coopération à la «sécurisation» des frontières et au refoulement des personnes cherchant protection, des fonds financiers importants sont promit aux pays transitoires. Pourtant, au début de l’année 2016, le régime frontalier européen se retrouve dans une crise profonde : Depuis l’été 2015 des centaines de milles de réfugié(e)s ont traversé les frontières européennes. Désormais, les chefs d’Etats et de gouvernements font tout pour regagner le contrôle sur les mouvements de fuite et de migration. La stratégie principale est donc d’avancer et d’externaliser d’avantage les contrôles frontaliers.    

Stratégie de «défense» de l’UE

De la conférence de Rabat en juillet 2006, en passant par le processus de Khartoum, initié depuis novembre 2014, jusqu’à la coopération récemment intensifiée avec la Turquie, l’UE a présenté nombres de plans d’actions, de programmes et de projets dans les dix dernières années, ayant l’objectif de retenir les réfugié(e)s et migrant(e)s de préférence déjà avant qu’ils/elles atteignent les frontières extérieures de l’Europe. À l’avenir, les catastrophes ne devront plus se reproduire dans les régions vacancières méditerranéennes, sous les yeux du public européen. Les efforts de coopération des chefs d’Etats et de gouvernements européens se concentrent donc par exemple sur le Mali, le Niger, la Corne de l’Afrique et la Turquie afin de tenir les réfugié(e)s àl’extérieur de l’Europe.   

Les stratégies de l’UE sont donc caractérisées par l’externalisation et la régionalisation. Cela signifie que d’un côté les mesures de «sécurisation» des frontières européennes sont déplacées hors des territoires des pays membres (externalisation). Ceux-ci impliquent surtout l’export de techniques de surveillance et de contrôle frontalières, la formation des gardes-frontières, des accords de réadmission, des patrouilles frontalières conjointes, la prise d’influence sur les législations migratoires et puis le rattachement de politiques migratoires aux domaines du développement et de la sécurité. De l’autre côté, l’UE essaie de restreindre les mouvements de fuite et de migration dans des régions du monde loin de l’Europe, comme dans le Sahel, à la Corne de l’Afrique ou bien dans le Proche-Orient (régionalisation).

Ainsi, l’attribution de l’aide au développement est progressivement mise en relation avec la volonté de coopérer dans le domaine du contrôle de la migration. Le respect des Droits de l’Homme est subordonné à ce but et ne paraît point opportun. Le débat au sein des institutions de l’UE et de ses Etats membres sur la lutte contre les causes des migrations comme les pratiques qui en sont nées depuis, poursuivent essentiellement le but de retenir les réfugié(e)s dans leurs régions d’origine et loin du public européen. Cependant, les causes réelles pour la fuite persistent. En outre, nombre des gouvernements africains et du Proche-Orient avec lesquelles l’UE cherche actuellement la coopération, sont eux-mêmes responsables pour des violations des Droits de l’Homme qui poussent les personnes à la fuite.

Afin de promouvoir la perspective européenne sur les réfugié(e)s et les migrant(e)s au de-là des leurs propres frontières, l’UE, certains de ses pays membres et des organisations agissant à son mandat, comme l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), réalisent des campagnes médiales, dont le but est d’empêcher la fuite et la migration. 

En Europe, la fuite et la migration sont représentées comme une menace pour la sécurité et la stabilité des Etats membres de l’UE. Elles sont mises en relation avec le terrorisme, pendant que le droit à la sécurité des réfugié(e)s et des migrant(e)s n’est guère mentionné. Contre cette prétendue «menace de sécurité», les Etats réagissent en luttant contre les dites «trafiquants», puis en renforçant les frontières et les expulsions et en insistant sur les engagements à la réadmission. Ces mesures sont représentées comme des mesures de protection pour les réfugié(e)s et les migrant(e)s, bien qu’il en résulte que ceux-ci sont forcés de prendre des chemins de plus en plus dangereux pour fuir, étant bien souvent obligés de se confier aux services d’assistants douteux.

Le risque augmente d’être renvoyé dans un pays d’origine ou de transite non sûr. Dans les débats politiques dans L’UE, on différencie de plus en plus souvent entre les «vrais» réfugie(e)s et les «réfugié(e)s économiques» venant de pays dites «sûr» - ce qui ouvre la voie au durcissement du droit d’asile à l’échelle européenne.

Instruments et pratiques de contrôle de migration

Coopération avec les pays d’origine et de transit en Afrique

Le processus de Rabat entre les Etats membres de l’UE et les pays de l’Afrique du Nord et de l’Ouest représente le schéma pour le processus de Khartoum, commencé en 2015, qui se concentre sur la Corne de l’Afrique. Les deux constituent des programmes de coopération à long terme, qui visent essentiellement la lutte conjointe contre les mouvements de migration «illégales» ainsi que la mise en relation entre politiques de migration et de développement. Le processus de Rabat mettait l’accent sur la gestion des frontières, la restriction de la migration «irrégulière» et la protection des réfugié(e)s. D’après les documents internes de l’UE il est prévu dans le cadre du processus de Khartoum de «renforcer les institutions du gouvernement de l'Érythrée» et de les soutenir dans la lutte contre les passeurs commerciaux. Au Soudan, on envisage la formation de fonctionnaires dans la gestion de la migration, puis au Soudan de Sud la gestion des frontières devrait être améliorée. En outre, l’établissement d’un centre d’entraînement à l’académie de la police en Egypte est planifié, avec l’objectif de former policiers et autorités de poursuite pénale de différents pays Africains.

Les deux processus devront garantir des contrôles de frontières plus effectifs, comme ils devront viser la contrebande, le trafic d’être humains et les causes pour la migration.

En même temps, la création de nouveaux «centres d’asile» est prévu pour l’Afrique du Nord, le Proche-Orient et la Corne de l’Afrique. Au Niger, l’OIM offre déjà maintenant des «paquets de retour volontaires» pour les refugié(e)s et les candidat(e)s à la migration. Cependant, il reste vague ce que ces «paquets» contiennent et à quel niveau ces retours sont réellement volontaires. Toutefois, il est prévisible que ces centres servent essentiellement à éloigner la problématique de fuite d’avantage du regard européen, sans qu’on y trouve des solutions.

Un pacte douteux avec la Turquie

En 2015, la Turquie a été le pays principale de transit sur le chemin des refugié(e)s vers l’Europe. Plus de 850.000 de personnes cherchant un refuge ont rejointes les îles grecques jusqu’à la fin de décembre en traversant la mer depuis les côtes turques – les frontières terrestres étant quasiment fermées depuis 2012. A la mi-octobre, les points essentiels pour la future coopération avec la Turquie ont été fixés dans un plan d’action, qui envisage entre autre le «renforcement de la coopération pour l’empêchement des mouvements de fuites et de migrations irréguliers vers L’UE». La Turquie devrait ainsi se charger de faire diminuer les mouvements de migration au niveau de la mer d’Egée en direction de la Grèce. En revanche, un fonds d’assistance de trois milliards d’Euro et des facilitations à l’obtention de visa pour les citoyens turcs ont été promit au gouvernement d’Erdogan. En outre, on envisage d’intensifier les négociations sur l’adhésion de la Turquie à L’UE. On discute même de déclarer la Turquie non seulement un «pays d’origine sûr», mais un «pays tiers sûr». Ainsi, les réfugié(e)s pourraient être d’emblée expulsés de l’UE vers la Turquie – ce qui est absolument inacceptable, compte tenu de la situation des Droits de l’Homme précaire en général, la situation catastrophique des personnes cherchant protection dans ce pays et la réticence régionale de la Turquie envers la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.

Les conséquences de l’externalisation et de la régionalisation des politiques européennes de migration et des réfugiés sur les Droit de l’Homme, le développement et la sécurité des migrant(e)s et refugié(e)s sont inadmissibles. Par ailleurs, elles contredisent les obligations en matières des Droits de l’Homme qui forment la base de l’Union Européenne.

  • L’association dea régimes répressifs au contrôle de migration européen leurs donne plus de légitimité et amplifie les causes et les mauvaises conditions de fuite et de migration. Il en résultent un déplacement des routes de migration et de fuite ainsi qu’un renforcement des dangers pour les personnes concernées.
  • Des conflits régionaux et nationaux sont intensifiés si des personnes sont retenues contre leur volonté et si les frontières sont fortifiées de plus en plus. Ainsi, des situations sociales et politiques fragiles, comme par exemple en Turquie ou à la Corne de l’Afrique, sont mises d’avantage sous pression.  
  • La stigmatisation et la criminalisation des migrant(e)s et des refugié(e)s par la politique et par les médias, mènent à une hausse du racisme et de la xénophobie qui se manifestent de plus en plus souvent.
  • Migrant(e)s et refugié(e)s sont retenus consciemment dans des pays de transit où ils/elles n’ont peu de chance de gagner leur vie. Une vie désespérée dans le circuit d’attente s’ensuit.
  • Le Droit d’Asile est affaibli progressivement et il est rendu de plus en plus difficile de bénéficier du Droit d’Asile. On observe un accroît des violations des Droits de l’Homme à la suite d’expulsions, d’internements et du refoulement de personnes cherchant refuge – une pratique qui contredit le Droit International.  
  • Les causes pour la migration et la fuite sont ignorées ou bien on ne s’en charge pas sérieusement comme le prouve entre autre le nombre de coopération dans le domaine du contrôle de la migration qui se fait avec des dictatures et des régimes de non-droit. Les causes structurelles pour les fuites, dont l’UE et ses Etats membres sont notamment responsables par leurs politiques d’intérêts dans les domaines du commerce, de la pêche et de l’agriculture, ne sont pas tenues en compte.
  • Les pays de transit et d’origine sont dégradés en de véritables Etats vassales au cours des négociations avec l’UE, pendant lesquelles en les tentent avec des fonds ou des promesses vagues de mobilités pour des certains groupes en revanche à leur coopération dans la lutte contre la migration. Au premier plan se trouvent les intérêts sécuritaires et géopolitiques de L’UE et de ses pays membres, ainsi que l’accès aux ressources et aux voies de transport importantes comme aussi la promotion du l’image européen. Les besoins et désirs des migrant(e)s et refugié(e)s comme le bien-être de leurs sociétés d’origines et de transit ne sont pas prises en compte.
  • A travers l’opacité des processus et des négociations internationales, leur accompagnement critique par la société civile en Afrique et en Europe est rendu quasiment impossible. Les initiatives de projets dans le cadre du processus de Khartoum ne sont rendues publiques que très lentement et elles restent souvent fragmentées et vagues.
Publié: 31. mars 2016

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