Progresser en prenant du recul

Développement organisationnel pour le changement social – Le Centro Antonio Valdivesio (CEAV) au Nicaragua

Depuis les luttes contre la dictature de Somoza, medico a apporté son appui à la société civile du Nicaragua dans l’effort de celle-ci à mettre en place des changements sociaux et politiques au niveau national. Au renouveau révolutionnaire des années 80 ont succédé le désenchantement néolibéral des années 90 ainsi qu’une discussion sur des erreurs d’estimation, des rapports de pouvoir mondiaux et le rôle de dynamiques psychosociaux.

"Pour comprendre et assumer sa propre histoire, il est également nécessaire d’analyser l’histoire du pays", explique Marta Cabrera, directrice du centre œcuménique fondé en 1979 qui propose un "programme de formation continue socio-psychologique sur la transformation sociale" dans différentes régions du Nicaragua. Parmi les participantes et participants, des organisations de base et des multiplicateurs locaux aspirant à la transformation sociale.

S’étendant sur un an et s’articulant en plusieurs ateliers, le processus de formation continue est le résultat des expériences de plus d’une décennie que le CEAV a collectées dans le domaine du travail psychosocial. Il a été amorcé quand on a constaté que malgré leur grand nombre, les ateliers communaux et projets de développement locaux sur les thèmes de la codécision, les questions du genre ou la durabilité écologique n’avaient que peu d’impact positif. En essayant de comprendre pourquoi tant de gens ne prenaient pas suffisamment d’initiative pour modifier activement leur vie et leur situation sociale, il a été constaté que le Nicaragua était un pays "blessé" à plusieurs égards et ce, par le grand nombre de bouleversements sociaux et de catastrophes naturelles qu’il a subis durant les dernières décennies. Beaucoup ont lutté pour la révolution sandiniste et la transformation sociale des manières les plus diverses. Alors qu’en fin de compte, ils ont dû assumer individuellement la défaite, faute d’espace collectif qui ait permit de partager la souffrance, le deuil et autres émotions accumulées tout au long des années de sacrifice et d’effort, afin de donner un nouveau sens aux expériences de cette époque.

Le sujet au centre d’approches alternatives de développement

Beaucoup de ceux qui se sont exprimés sur leurs pertes ont commencé à également aborder d’autres problèmes jusque là restés dissimulés. Une femme originaire de León raconta : "Cela me fait très mal d’avoir perdu ma maison, mais ce qui est encore bien pire, c’est que je ne peux pas dormir la nuit de peur que mon mari ne se mette dans le lit de ma fille et ne l’agresse."

Le CEAV s’est décidé de mettre en place une approche multidimensionnelle pour venir à bout de certaines choses, et ainsi renforcer les organisations sociales et les sujets qui y sont traités. "Nous avions souhaité soulever des sujets dont personne n’avait encore traité : le subjectif, le psychologique, le spirituel." Partant de la complexité des réalités de vie et en reconnaissant la subtilité des expériences, il s’agissait d’élaborer un concept holistique dans lequel développement n’est pas synonyme de croissance économique et la société n’est pas considérée comme un sujet indépendant des individus.

De même, les structures institutionnelles ont été passées au crible. "Au Nicaragua, beaucoup d’organisations veulent effectuer une opération du cœur avec une machette", révèle Martha Cabrera. "Elles veulent changer le monde alors qu’à l’intérieur d’elles-mêmes elles reproduisent un style de direction suranné si bien qu’en fin de compte, aucun changement n’est possible." Grâce aux ateliers, il a été possible d’analyser et de discuter des conséquences de la révolution, ainsi que la transformation sociale que les processus de mondialisation ont accélérée ces vingt dernières années. De même, les ateliers ont permis de comprendre pourquoi il est essentiel d’accepter le passé "pour avancer d’un pas décidé vers l’avenir".

Publié: 03. novembre 2011

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